Le plus dur reste à faire
Au stage de ski du CRET en février dernier, j’avais pris une grosse claque lors de l’examen blanc, où, en manque total de condition physique, j’avais été incapable de skier les descentes. Le verdict avait été sévère 8/20, avec une note 5/20 dans la toute dernière partie de l’épreuve. Lionel, le prof du CRET qui m’avait mis cette sale note, m’avait dit « Je n’ai pas eu de pitié, tu ne peux pas aller au Proba dans ces conditions! ». Je le savais, mais là, ce fut l’électrochoc, d’autant plus que techniquement, les profs étaient assez positifs sur mon style. Il fallait donc en mettre un coup. J’ai donc grimpé 18'000 m de dénivelé en 1 mois (en partie grâce à Farouk) et couru régulièrement le midi (grâce à Youri). Mais je ne savais pas si ce serait suffisant pour le jour J.
La chance fut tout de même de mon côté, car l’épreuve était à la station des Houches dans un secteur que je connais assez bien. La première montée était sous la télécabine du Prarion par la piste randonneur. C’est une montée que j’ai parcourue une petite dizaine de fois. J’avais donc des repères de temps en tête pour me rassurer. Au départ, mon sac faisait un peu plus de 8 kg. Mon poids minimum était de 7kg. J’avais un peu plus d’un litre l‘eau et la bouffe. J’ai fait la montée en 76 minutes, soit 680 mD+/h, juste un peu au-dessus des minimas (650 mD+/h), pour ne pas trop puiser dans les réserves. Les furieux du CRET m’ont largement rattrapé et doublé, mais j’ai collé à mon objectif. J’ai aussi gratté du temps lors des manipulations de peautage/dépautage grâce à mes peaux montées en mode compétition. Au premier dépautage, j’ai mis moins de 3 minutes à repartir, alors que l’ENSA nous donnait 5 minutes et que les autres candidats explosaient leur temps de transition. Suivait une descente par les pistes, vers le col de Voza en guise d’échauffement ski (descente peu probante par rapport l’épreuve elle-même). Une dernière remontée assez plate de 150 dénivelé vers la Chalette, et j’étais au départ de la descente avec 20 minutes d’avance et des jambes « presque » fraîches! A la pesée, mon sac faisait 7.5 Kg. L’ambiance était très cordiale entre participants (le fait de se connaître à travers le stage du CRET aide beaucoup) et egalement cordiale avec les organisateurs que j’ai trouvés plus détendus que l’année dernière (messages rassurants et conseils de préparation).
Puis, je me suis lancé dans la première descente. Je m’attendais à une pente bien raide, mais en fait, c’était plus un terrain à pièges qu’un exercice de démonstration technique. La descente était parsemée de vernes, de trous (voir de tranchées), et de bosses. J’ai donc skié avec beaucoup de réserves pour passer entre les obstacles sans tomber. J’ai même esquivé un fond de ruisseau qui coupait la piste en deux en faisant une grande traversée ascendante sur la droite pour passer à la lisière de la forêt. Ceci m’a largement ralenti, je ne sais pas si j’ai pris la bonne option. Puis juste à la fin de la zone de notation, un de mes skis s’est pris dans les vernes et je me suis arrêté. J’étais juste au niveau des portes de sortie. Je ne sais pas encore si cet arrêt a été compté comme une erreur. En tout cas, j’ai évité la chute dans le talus juste après où plusieurs candidats sont tombés, dont Xavier (j’y reviendrai). En moyenne, je suis descendu entre 15 et 20 km/h.
La suite de l’épreuve menait en ski au parking des Bettières où nous devions repeauter pour 450 mètres de dénivelé. Les peaux étaient encore dans mes poches, et j’ai bien optimisé la transition, comparé aux autres candidats qui ont tous enlevé leur sac pour remettre les peaux… La montée n’étant pas très raide, j’ai eu beaucoup de peine à prendre le rythme recommandé de 650 mD+/h. J’avais oublié de faire les calculs de temps de montée pour cette section, j’étais un peu inquiet, car je tournais seulement à 600 mD+/h. Pendant cette dernière montée, j’ai reçu quelques SMS des copains, que je n’ai pas pu lire bien sûr, mais que j’ai pris comme des encouragements (merci les gars). Arrivé au sommet du téléski du Prarion, j’ai été agréablement surpris de voir que j’avais encore 20 minutes pour rejoindre la télécabine du Prarion (qui était à moins de 2 minutes de glisse). J’ai donc pris tout mon temps pour boire, manger, enlever mes peaux, car l’année dernière ils envoyaient les candidats par ordre d’arrivée sans tenir compte du temps qu’ils leur restaient pour la montée. J’ai aussi mis mes peaux dans le sac à ce moment. Je suis donc arrivé tranquillement avec 10 minutes d’avance au deuxième départ.
Arrivé à la télécabine, nouvelle pesée de sac, il faisait un peu moins 7.5 kg. Yessss ! Après l’avoir repris, j’ai siphonné ma poche d’eau ! Comme je m’en doutais, peu de temps après mon arrivée, j’ai été invité à faire la deuxième descente. Le samedi précédent l’épreuve, j’avais skié cette pente sur une neige trafollée et gelée… Horrible, d’autant plus que la descente est longue. Mais, il faisait déjà bien chaud vers 12h, si bien que la neige était ramollie, donc pas si mal à skier. Encore une fois, j’ai fait la descente avec de la retenue, car je ne savais pas quelle distance il fallait parcourir. J’ai tout de même essayé de faire du beau ski glissé. En moyenne, j’ai oscillé entre 15 et 20 km/h.
De retour, en bas de la télécabine du Prarion, j’attendais Xavier. Il ne devait pas trop tarder, car il avait le dossard 74 (moi le 53). Le temps passa, les dossards 70 aussi, mais pas de Xavier. Je commençais à m’inquiéter. En questionnant quelques candidats, j’appris que Xav s’était cassé la cheville à la première descente. Dégoûté pour lui, je lui ai envoyé quelques SMS pour savoir où il était. Plusieurs dizaines de minutes après, il me répondit qu’il était aux urgences. Merde ! Avec Philippe et Jean également blessés quelques jours avant l’épreuve, c’était l’hécatombe dans le groupe de copains...
Je pus rejoindre Xavier aux urgences de Chamonix en milieu d’après-midi. Heureusement, le diagnostic était plus favorable que prévu, il avait seulement une grosse foulure à la cheville, mais pas de fracture. J’appris qu’après sa chute dans le talus, à la fin de la première descente, Xavier est reparti. Contre les conseils des examinateurs, il a remis les peaux, fait 450 m de dénivelé, a fini dans les délais, et terminé la dernière descente dans la douleur. J’étais stupéfait devant autant de volonté. Emilie, son amie, passa le chercher vers 15h30, puis ils sont repartis vers Chambéry. Je retournais donc à la bibliothèque de l’ENSA pour attendre les résultats.
Vers 16h15, impatient, je redescendis dans le hall d’entrée de l’ENSA pour surveiller le tableau d’affichage, et je vis avec étonnement Xavier et Emilie. Xavier m’expliqua que le responsable de formation, F. Marsigny, lui avait demandé de revenir pour qu’il voie le médecin de l’ENSA. Xavier s’était exécuté à contrecœur. J’imagine qu’il n’avait pas envie de voir les explosions de joie à l’annonce des résultats convaincu que pour lui c'était perdu, mais le médecin se faisait attendre.
17h, F. Marsigny venait de coller les listes des admis sur le tableau. Anxieux, je me levais pour étudier mon cas, et découvris mon nom. Gros ouf de soulagement ! Machinalement, je regardais les autres admis et je vis le nom de Xavier. Incroyable ! Quand je revins vers lui, pour lui annoncer, j’avais presque les larmes aux yeux. Quel Warrior se Xavier ! Incontestablement, il a été le héros de cette journée. Quelques minutes après F. Marsigny qui avait sans doute calculé son coup arriva avec le médecin de l’ENSA pour bien faire comprendre à Xavier qu’il devait faire sa rééducation correctement et qu’il attendait pour les épreuves d’été ! Eh oui, le plus dur reste à faire.
De retour à la maison, j’ai célébré cette petite victoire avec la famille en sirotant une bouteille de Champagne. J’ai été heureux de partager ce moment avec toute la famille et de voir que tous étaient aussi contents que moi du résultat. Lorraine va encore devoir me supporter (au sens propre et figuré) pendant quelques mois. Demain je reprends l’entrainement…